Cours n°9 et 10 – Instruments d’optique
(Note : ce résumé fusionne les deux derniers cours, et son déroulement ne correspond donc pas à celui donné en amphi, mais tous les instruments étudiés y sont évoqués)
Les cours précédents ont permis de comprendre la notion d’image, réelle ou virtuelle, ainsi que le fonctionnement des lentilles convergentes et divergentes. Dans la vie de tous les jours, ce sont souvent des combinaisons de lentilles qui sont utilisées pour réaliser les instruments d’optique qui nous entourent. Nous nous intéresserons ici aux plus communs d’entre eux, en faisant la distinction entre les deux types d’instruments :
Les instruments qui produisent une image réelle des objets observés, image directement récupérée sur une pellicule ou sur une matrice de détecteurs, comme par exemple les appareils photos, les caméras, ou les télescopes modernes. L’œil humain n’intervient pas dans le processus, et les rayons lumineux ne sortent pas de l’instrument puisqu’ils sont absorbés par la matrice de capteurs.
Les instruments qui produisent seulement une image virtuelle des objets observés, comme par exemple les jumelles et lunettes astronomiques, les loupes ou les microscopes... Un œil humain est requis pour observer l’image virtuelle produite. Cet œil doit être correctement positionné pour récupérer les rayons lumineux sortants de l’instrument.
Pour caractériser les objets et les images observées, on utilise beaucoup la notion de « taille apparente » (parfois dénommée « taille angulaire »), qui correspond à l’angle sous lequel un objet est vu. Pour un objet dont les deux extrémités sont A et B, et pour un observateur placé en O, la taille apparente est donc donnée par α=angle(OA,OB) comme sur la figure ci–dessous à gauche. La taille apparente dépend de la taille de l’objet AB mais également de sa distance. Un exemple typique est la Lune, qui vue depuis la Terre présente toujours un angle apparent de 0.52°. Dans un tel cas, c'est-à-dire lorsque l’objet observé est de forme sphérique, on parle parfois de diamètre apparent ou encore de diamètre angulaire.
Dans le cas des instruments produisant et enregistrant une image réelle, on s’intéressera aux caractéristiques suivantes :
Le grandissement de l’image réelle A’B’ par rapport à l’objet correspondant AB. Ce grandissement est simplement défini comme γ=A’B’/AB.
La résolution angulaire du système, est la taille apparente minimale que l’instrument permet de distinguer (de l’ordre de 1/100 de degré pour un appareil photo numérique standard, mais la résolution angulaire peut être meilleure si un « zoom » important est utilisé). Pour qu’on objet apparaisse de façon nette sur l’image photographiée, il faut que sa taille apparente soit significativement supérieure à la résolution angulaire de l’appareil.
Le champ de vision, qui désigne la taille apparente maximale que l’instrument permet d’observer (de l’ordre de 50 degrés pour un appareil photo numérique standard, mais moins si un « zoom » important est utilisé). Dans le cas de la photographie ci-dessus à droite, le champ de vision est justement de 0.52 degrés, ce qui permet d’observer la Lune en très gros plan.
Remarquons que l’œil humain réalise également une image réelle des objets observés sur la rétine, et que les définitions de résolution angulaire et de champ de vision peuvent lui être appliquées. La résolution angulaire de l’œil (on parle parfois d’acuité visuelle) est de l’ordre de 1/60ème de degré pour un œil normal. Quant au champ de vision d’un œil humain (on parle parfois de champ visuel), il est de l’ordre de 60-80 degrés, mais la vision n’est réellement nette que pour les objets situés en face de l’œil (contrairement à une photographie où toute la zone observée peut apparaître nette).
L’appareil photographique le plus simple, illustré ci-dessous, est constitué d’une unique lentille de distance focale f, appelée « l’objectif », placée devant une matrice de capteurs semiconducteurs. Un diaphragme placé juste derrière la lentille, dont nous notons le diamètre D, fixe la quantité de lumière qui peut-être récupérée par l’appareil photographique. La taille de la matrice de capteurs est notée T et la taille d’un unique pixel est notée e (distance qui correspond également à l’espacement entre deux pixels voisins). La matrice de pixels semiconducteurs est positionnée à une distance L qui peut-être réglable pour permettre la mise au point. On prendra par exemple L=f pour faire l’image nette d’un objet lointain, et L>f (comme sur la figure ci-dessous) pour faire l’image nette d’un objet proche.
Les caractéristiques de la photographie qui sera prise dépendent de ces différents paramètres, et notamment des rapports suivants:
Le rapport e/f détermine la résolution angulaire de la photographie.
Le rapport T/f détermine le champ de vision de la photographie.
Le rapport D/f détermine l’ouverture angulaire de l’appareil, qui influence à la fois la luminosité et la profondeur de champ de la photographie.
On remarque qu’il est possible de prendre exactement la même photographie avec des lentilles de focales tout à fait différentes, à condition que les rapports e/f, T/f, et D/f soient égaux. On peut donc réaliser des appareils photos miniatures, avec de très petites distances focales, comme ceux qui sont couramment insérés dans les téléphones portables.
En considérant une lentille idéale, et dans le cas d’un objet lointain, la figure ci-dessous permet de calculer très rapidement la résolution angulaire et le champ de vision de la photographie. La résolution angulaire est la taille apparente minimale visible, α_min : elle correspond à des points-objets A et B dont les images A’ et B’ sont sur des pixels voisins, séparés par la distance e. Le champ de vision est la taille maximale visible α_max, correspondant à des images A’ et B’ les plus éloignées possibles, séparées par la distance T. Un peu de trigonométrie permet de montrer que α_min=2Arctan(e/2f) et que α_max=2Arctan(T/2f). Pour le premier cas on peut évidemment se placer dans l’approximation des petits angles, ce qui nous donne tout simplement α_min=e/f, à condition que l’angle α soit exprimé en radians.
A l’époque de la photographie argentique, c'est-à-dire sur pellicule, presque toutes les pellicules avaient la même taille (24x36 mm) et connaître la distance focale permettait à coup sûr de deviner le champ de vision d’une photographie. De nos jours, on caractérise encore le champ de vision d’une photographie par la focale équivalente, c'est-à-dire la focale qu’il faudrait utiliser pour prendre la même photographie avec un capteur 24x36 mm. La figure ci-dessous présente la même scène photographiée avec différentes focales équivalentes.
Effectuer un zoom sur un appareil photo consiste à diminuer son champ de vision en augmentant sa focale équivalente, ce qui n’est pas possible avec une seule lentille. Le zoom devient possible lorsqu’on utilise deux lentilles, une convergente et une divergente, à condition de pouvoir ajuster soigneusement la distance séparant les lentilles entre elles ainsi que la distance entre les lentilles et la matrice de capteurs. Comme le montre la figure ci-dessous, la taille de l’image finale A’’B’’ dépend de la distance relative entre les lentilles. Plus l’image A’’B’’ sur le capteur est grande, plus l’objet apparaîtra en gros plan sur la photographie finale.
En plus du zoom, un appareil photographique un peu perfectionné permet de régler le rapport D/f, c'est-à-dire l’ouverture angulaire de l’appareil, qui a également une importance sur l’allure de la photographie qui sera prise. On peut montrer que la luminosité reçue par chaque pixel est proportionnelle à (D/f)², donc si l’on cherche à prendre une photo dans un intérieur mal éclairé on a tout intérêt à ajuster le diamètre du diaphragme sur sa valeur maximale. Mais, comme mentionné plus haut, l’ajustement du diaphragme a également une importance sur la profondeur de champ de la photographie, c'est-à-dire la plage de distances pour lesquelles les objets paraîtront nets. Par exemple, si l’on met au point sur un objet situé à 4 m et que la profondeur de champ est grande, on verra également nets des objets situés entre 2 m et 20 m de distance. Mais si l’on fait la même chose avec une faible profondeur de champ, on ne verra nettement que les objets situés entre 3 m et 5m de distance, et les objets situés plus loin ou plus près paraîtront flous. On peut montrer qu’une augmentation du rapport D/f impose une diminution de la profondeur de champ, tandis qu’une diminution de D/f augmente la profondeur de champ.
Les photographies ci-dessous, par exemple, ont été prises dans les mêmes conditions mais avec un rapport D/f égal à 1/4 pour la photographie de gauche et à 1/8 pour la photographie de droite. La mise au point a été effectuée sur les tulipes, qui apparaissent donc nettes dans les deux cas, mais les rochers lointains apparaissent légèrement flous dans le cas de la faible profondeur de champ (à gauche) et plutôt nets dans le cas de la forte profondeur de champ (à droite).
On s’intéresse maintenant aux instruments produisant une image virtuelle d’un objet AB. Il devient alors nécessaire de distinguer entre deux tailles apparentes, comme illustré sur la figure ci-dessous :
La taille apparente de l’objet AB observé en l’absence d’instrument, que nous noterons comme précédemment α=angle(OA,OB) avec O la position de l’observateur.
La taille apparente de l’image virtuelle A’B’ observée à travers l’instrument, que nous noterons β=angle(OA’,OB’). Bien entendu, un instrument d’optique n’a souvent d’intérêt que si l’image virtuelle apparaît plus grosse que l’objet réel, c'est-à-dire si β > α.
Pour décrire un tel instrument d’optique on utilise donc les caractéristiques suivantes:
Le grossissement, qui est le rapport G=β/α.
Le champ de vision réel, qui est la taille apparente du plus grand objet observable à travers l’instrument d’optique, c'est-à-dire max(α), et que nous noterons α_max. Pour pouvoir observer la Lune en entier il faut un instrument dont le champ de vision réel α_max soit plus grand que 0.52 degrés; si le champ de vision réel est plus faible on ne pourra en voir qu’une portion.
Le champ de vision apparent est la taille apparente de la plus grande image observable à travers l’instrument d’optique, c'est-à-dire max(β), et que nous noterons β_max. Les angles β_max et α_max sont reliés par le grossissement G selon β_max = G α_max.
Notons que β_max est une caractéristique importante puisque cet angle détermine le confort visuel de l’instrument d’optique. En effet, l’œil humain observe à travers l’instrument une zone lumineuse de taille angulaire β_max, mais tout le reste du champ visuel apparaît noir. Si β_max est de l’ordre de 60 degrés le confort visuel est très bon car la zone noire est située à l’extrême bord de notre champ visuel, comme illustré sur la figure ci-dessous à gauche. Si l’angle β_max est petit devant 60 degrés la zone noire couvre la majeure partie de notre champ visuel et l’observation est moins confortable.
Les instruments les plus connus réalisant une image virtuelle sont les jumelles et les lunettes astronomiques, qui fonctionnent sur le même principe : à partir d’un objet lointain, l’instrument produit une image virtuelle lointaine de taille apparente plus importante. Pour construire un tel instrument, il faut réaliser un système optique afocal : des rayons parallèles en entrée resteront parallèles à la sortie. Ceci peut-être obtenu en utilisant deux lentilles convergentes (lunette de Kepler) ou bien une lentille convergente couplée à une lentille divergente (lunette de Galilée), à condition d’ajuster très précisément la distance entre les deux lentilles. Dans les deux cas, la première lentille réalise une image A’B’ de l’objet AB, et la seconde lentille produit une image virtuelle lointaine A’’B’’ ; l’œil croit alors voir l’objet en A’’B’’ avec une taille apparente β. La position de ces images et le tracé de quelques rayons lumineux caractéristiques sont illustrés sur la figure ci-dessous.
Comme on peut le voir, la lunette de Kepler conduit à un renversement de l’image, renversement qui peut être compensé à l’aide de prismes adaptés; c’est sur ce principe que sont réalisées la plupart des jumelles modernes. A l’époque, par contre, et malgré sa mauvaise qualité relative, c’est la lunette de Galilée qui a convaincu la communauté des astronomes et des scientifiques. Le système inventé par Kepler, du fait de son image inversée, était au contraire accueilli avec un profond scepticisme.
La loupe, quant à elle, est une simple lentille convergente que nous utilisons pour observer un objet proche; nous souhaitons de préférence réaliser une image virtuelle lointaine de cet objet, ce qui nous évitera la fatigue de l’accommodation. En l’absence de loupe, si nous souhaitons observer l’objet proche, nous ne pouvons pas nous approcher plus qu’une distance minimale caractéristique de chacun : le « punctum proximum ». Si nous nous approchons plus près que cette distance, notre œil n’est plus capable d’accommoder et l’objet nous apparaît flou. Dans le meilleur des cas, en l’absence de loupe, l’objet AB nous apparaît avec une taille apparente α = AB / PP, ou PP désigne le punctum proximum de notre œil.
En présence d’une loupe, nous n’avons plus de problème d’accommodation si nous plaçons l’objet AB à la distance f de la lentille, et notre œil de l’autre coté : comme l’indique la figure ci-dessous, la lentille convergente réalise alors une image virtuelle lointaine A’B’ qui nous apparaît avec un angle apparent β = AB / f. Le grossissement de la loupe est donné par G = β / α = PP / f : ce sont donc les personnes âgées, dont le punctum proximum est généralement plus élevé que la moyenne, qui bénéficient le plus de l’utilisation des loupes. Dans le commerce et l’industrie, le grossissement d’un instrument d’optique tel que la loupe est défini en prenant comme valeur standard PP = 25 cm.
Si l’on souhaite obtenir un plus fort grossissement, afin d’observer des objets encore plus petits, il est nécessaire d’utiliser un microscope. Le principe du microscope s’inspire de celui de la loupe, à ceci près que la lumière est manipulée en deux étapes, comme illustré sur la figure ci-dessous. Une première lentille convergente appelée « l’objectif » sert à réaliser une image réelle A’B’ fortement agrandie de l’objet AB. Pour cela, on utilise un objectif de très courte focale f1 (de l’ordre de quelques millimètres), et on approche fortement l’objet AB de l’objectif : l’image A’B’, située à environ 15-20 cm de l’objectif, peut ainsi se trouver agrandie d’un facteur 100 par rapport à l’objet AB. Une deuxième lentille convergente, appelée « l’oculaire », sert ensuite de loupe pour créer une image virtuelle lointaine A’’B'' à partir de l’image intermédiaire A’B’. Pour cela, on utilise typiquement un oculaire de focale f2 = 2.5 cm, ce qui correspond à une loupe de grossissement PP / f2 = 10. La combinaison des deux effets permet ainsi de voir des objets mille fois plus petits que ceux couramment observables à l’œil nu.
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